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PASSION-TRAINS

INDUSTRIE FERROVIAIRE : Les PME-PMI prennent le train en marche en Nord/Pas-de-Calais

6 Juin 2009 , Rédigé par lejournaldesentreprises.com Publié dans #REPORTAGE

FRANCE - «Demande en forte progression, carnets de commandes jugés très satisfaisants, stocks un peu élevés et hausse des cadences annoncée pour les prochains mois»: tel est le bilan optimiste de la construction ferroviaire régionale tiré le mois dernier par la Banque de France, dans son étude conjoncturelle. Dans le Nord - Pas-de-Calais, le ferroviaire a incontestablement le vent en poupe.

Une roue de secours pour l'automobile Cette locomotive économique tire même d'autres secteurs comme l'automobile dont les sous-traitants en crise se réfugient dans cette niche pour trouver une nouvelle stabilité. «On assiste à un transfert des méthodologies de l'automobile vers le ferroviaire», atteste Franck Poutch, directeur technique du centre de recherche du Crepim à Bruay-La-Buissière. Les dirigeants régionaux sont nombreux à se mettre sur les rails du ferroviaire. Ce secteur bénéficie de l'engouement du public pour les transports en commun, du Grenelle de l'environnement, des plans de relance européens... Les débouchés sont là et ils feront aussi l'objet de nouveaux enjeux sous peu en Europe. Les nouvelles réglementations visent à homogénéiser les process et les normes de sécurité.

Essor à grande vitesse Grâce à des outils comme les centres et laboratoires de recherche et avec un pôle de compétitivité comme i-Trans, l'essor du ferroviaire pourrait se faire à plus grande vitesse. Le Nord - Pas-de-Calais ne veut pas rester à quai et s'est donné les moyens d'être une locomotive. En France, l'industrie ferroviaire représente plus de 17.000emplois dont 35% sont situés dans la région. L'ensemble de la filière régionale (sous-traitants compris) est estimé à 10.000 personnes dont 60% dans des PME, selon l'AIF, dont 4.500 dans la construction, l'entretien et la maintenance ferroviaire.

Preuve de l'attractivité régionale, le Campus international sur la sécurité et l'intermodalité des transports (Cisit) regroupe l'un des plus importants viviers d'ingénieurs et de chercheurs. Valenciennes se distingue aussi avec le siège de l'Agence ferroviaire européenne (AFE) qui sera inauguré ce 22juin. Pour la quatrième fois, le Salon international de l'industrie ferroviaire (Sifer) a élu domicile à Lille Grand Palais, le mois dernier, pour sa 6e édition qui a rassemblé 350exposants de 14pays et quelque 4.000visiteurs. Une occasion pour les sous-traitants du ferroviaire de montrer leur savoir-faire et de présenter leurs dernières innovations. Pour la première fois, la tendance se confirme: d'autres secteurs, comme l'automobile, investissent les allées.

Autres atouts de la région, les leaders mondiaux de la construction ferroviaire, Alstom et Bombardier, ainsi que l'allemand Siemens pour l'ingénierie, y sont implantés. Le canadien Bombardier a investi le territoire français dès 1989, à Crespin, grâce au rachat des Ateliers du Nord de la France (ANF Industries), alors en difficulté. Bombardier a injecté plus de 500M€ pour moderniser ce site valenciennois, aujourd'hui à la pointe. C'est à ce jour le plus grand site industriel ferroviaire de France et l'un des leaders mondiaux, selon l'Association des industries ferroviaires (AIF). Le P-dg de la SNCF, Guillaume Pepy, en personne, s'y est rendu le 28mars pour constater l'avancée du Francilien. Une commande datant de 2006 pour 372trains suburbains type RER, dont 172 en ferme, qui a généré 15M€ d'investissements. Ce contrat historique de près d'un milliard d'euros vient s'ajouter à celui tombé en 2000 pour 700AGC (autorails à grande capacité) à livrer d'ici à 2011 à 21régions françaises. Ces commandes confirment la place de la première région ferroviaire de France.

Yves Ravalard (i-Trans). «60% des projets dans le ferroviaire»

Yves Ravalard, directeur scientifique du pôle i-Trans.


Yves Ravalard, directeur scientifique d'i-Trans, revient sur le marché du ferroviaire et sur l'activité du pôle de compétitivité basé à Valenciennes.

Où en est le pôle de compétitivité i-Trans?

Le pôle concerne plusieurs filières industrielles. Les projets viennent du ferroviaire, de l'automobile en passant par le portuaire, le fluvial ou encore la logistique. C'est tout ce qui touche aux systèmes de transports innovants. Nous avons aujourd'hui 78 projets labellisés. Ces différents projets ne représentent pas moins de 185M€ de budget. Il y a une centaine d'acteurs présents au sein du pôle et nous en avons 15% de plus chaque année.

Quelle part occupe le ferroviaire dans l'activité d'i-Trans?
60% des projets labellisés sont dans le ferroviaire. Cette part est importante et implique bon nombre d'acteurs du milieu mais aussi d'autres venant du monde de la sous-traitance et de l'industrie.

Est-ce qu'il y a eu, depuis l'année dernière, de nouveaux acteurs au sein du pôle?
Avec la crise, certains intervenants du monde automobile s'intègrent dans des projets du ferroviaire. C'est un marché qui connaît une croissance et certains sous-traitants y voient un côté rassurant pour le business. C'est aussi pour cette raison que nous voyons de plus en plus des sociétés d'ingénierie et de conseils au sein du pôle.

Comment analysez-vous le marché du ferroviaire?
C'est un marché qui a connu des moments difficiles dans les années 90. En ce moment, il connaît un essor constant. Beaucoup de commandes courent sur plusieurs
années. Du coup cela rend le marché stable et donc attractif en temps de crise. Mais, il ne faut pas se tromper, le ferroviaire n'a pas beaucoup de clients finaux. La problématique réside donc dans le renouvellement des commandes.

Que répondez-vous aux gens qui disent que les pôles sont réservés aux grands groupes?
Quand on a démarré le pôle, nous avions besoin de ces derniers. Ils nous ont servi de locomotive pour attirer dans leur sillon des PME. Sur les 70 entreprises présentes au sein d'i-Trans, 50% sont des PME et nous oeuvrons depuis l'année dernière à faire naître des projets destinés et faits par des PME. Une entreprise, PME ou grand groupe, doit innover pour progresser.

Sous-traitants. Part grandissante du ferroviaire
Frédéric Bellais, DG de Visionor.


Le ferroviaire occupe une part de plus en plus importante dans les chiffres d'affaires des sous-traitants de la région.

Mäder (Lille)
Le groupe Mäder, spécialisé dans la peinture, enregistre 22M€ de chiffre d'affaires dans le secteur ferroviaire pour un chiffre global de 180M€ en 2008. «Nous tablons sur une progression en 2009 de 5 à7%», considère Christian Amorin, directeur marketing chargé du ferroviaire pour Mäder. Le groupe nordiste compte aussi beaucoup sur sa nouvelle solution de peinture anti-graffitis développée en partenariat avec l'industriel valenciennois Hiolle Industries. Outre cette innovation récompensée sur le Sifer, Mäder souhaite aussi investir dans des pays en développement dans le ferroviaire tels que le Maroc et l'Inde. Pour cette dernière destination, Christian Amorin concède que, «contrairement à ce que l'on aurait pensé, l'industrie automobile vient en complément du ferroviaire dans le développement et non l'inverse. Nous comptons, dans notre activité de peinture industrielle, beaucoup sur ce marché en croissance.»

Visionor (Frelinghien)
Pour Visionor, spécialiste de l'affichage d'informations basé à Frelinghien, le constat est le même. «Nous avons enregistré un CA 2008 de 3,7M€ et nous comptons 40salariés, détaille Frédéric Bellais, directeur général de Socel. Nous travaillons pour le secteur militaire, industriel, commercial et ferroviaire. Ce dernier va effectivement de plus en plus peser dans notre développement.» Aujourd'hui, le ferroviaire pèse 28% de l'activité de la société de Frelinghien. Avec sa nouvelle génération d'afficheurs d'information dynamique embarquée, Visionor compte bien se mettre sur les rails de la réussite avec la SCNF et la RATP.

Technifrance (Dunkerque)
Le bureau d'études et d'ingénierie de Coudekerque-Branche et de Valenciennes, Technifrance (5,3M€ de CA; 82personnes), constate une montée en puissance du ferroviaire dans son activité. «Il va atteindre 20% de notre CA cette année. C'est le maximum que nous nous autorisons car nous ne voulons pas dépendre d'un secteur, confie le P-dg de Technifrance, Philippe Pissonnier. Nous travaillons depuis 20ans pour le ferroviaire et, en ce moment les projets sont là pour nos gros clients Alstom et Bombardier.»

Olivia Griscelli (Sifer). «La bonne santé du ferroviaire attire des sociétés opportunistes»

Directrice du Salon international de l'industrie ferroviaire (Sifer) qui s'est tenu à Lille Grand Palais du 26 au 28mai, Olivia Griscelli, basée à Londres, revient sur l'actualité d'un secteur en plein essor.

Comment se porte le ferroviaire et votre salon face à la récession?
Le secteur ferroviaire se porte bien et, de ce fait, le Sifer se porte très bien également. Nous avons enregistré 350exposants, soit 25% de plus par rapport à la précédente édition en 2007. Pour faire face, nous avons dû ouvrir un demi-hall supplémentaire pour porter notre surface d'exposition à 14.000m².

À quoi attribuer un tel succès?
Je ne crois pas que le ferroviaire tire profit de la crise, mais les gouvernements accélèrent les grands travaux par leurs plans de relance. Ce qui contribue à la bonne marche du secteur. Le ferroviaire a le vent en poupe et bénéficie aussi du Grenelle de l'environnement.

Pourquoi avoir encore choisi Lille pour la 4e fois?
Il y a un réseau industriel incomparable dans le Nord - Pas-de-Calais, qui réalise 40% de la production française. C'est une vitrine du savoir-faire hexagonal, le cluster français du ferroviaire avec Bombardier et Alstom dans le Valenciennois, Siemens à Lille, et de nombreux sous-traitants... Il est donc indispensable que toutes ces entreprises aient un rendez-vous professionnel où elles peuvent se rencontrer, partager leurs innovations, etc. Ces exposants sont fidèles: 60% reviennent d'une édition à l'autre. D'un autre côté, le Sifer a aussi une portée internationale et attire des investisseurs étrangers. Une société exposante sur quatre est étrangère, comme 30% des visiteurs.

Avez-vous entendu parler de ces sociétés qui proviennent d'autres secteurs d'activité et se tournent vers le ferroviaire pour se diversifier?
Oui, c'est même l'une des tendances du salon cette année avec le développement durable. Dans les allées, nous avons des sociétés que je qualifie d'«opportunistes», dans le bon sens du terme, très actives par exemple dans l'automobile et qui sont attirées par la bonne santé du ferroviaire. Cela ne peut pas s'appliquer à tous les secteurs mais c'est vrai pour l'automobile et l'aéronautique.

Automobile. Une reconversion sur de très bons rails
Patrick Virmaux, directeur de Toyota Tsusho Europe, a participé pour la première fois au Sifer en mai: un logisticien auto tourné vers le ferroviaire. 


Le déclin du marché automobile pousse ses sous-traitants à se tourner vers d'autres secteurs porteurs.

Dans la région, le ferroviaire est une roue de secours.
Toyota Tsusho Europe SA (109salariés, CA: 30M€), filiale du logisticien japonais implantée au pied de l'usine automobile Toyota d'Onnaing, dans le Valenciennois, incarne cette diversification. Le 9 avril, il a inauguré une plateforme avancée de sous-traitance à Petite-Forêt, cette fois-ci aux portes d'Alstom.

«Qui peut le plus...» Patrick Virmaux, directeur du développement, avait déjà séduit Bombardier il y a un an et demi. «Nous avons été clairvoyants, sourit-il. Nous tendons vers 10% de ferroviaire; mon objectif est d'atteindre 50%. Cela se fera aussi par la maintenance, la fabrication d'emballages spécifiques et d'autres services connexes.» Son cahier des charges pour l'automobile, très strict, a séduit le ferroviaire. Sa devise: «Qui peut le plus peut le moins.» Contrairement à l'automobile («de petites pièces plus souvent»), le ferroviaire est plus simple à gérer, avec quelques adaptations. «Ce sont de grandes pièces nécessitant de l'espace mais moins de main-d'oeuvre.» Pour Patrick Virmaux, c'est aussi un élément de motivation supplémentaire pour ses équipes qui élargissent ainsi leur champ de compétences.

«Pas si simple» Pour d'autres entreprises à la taille plus modeste, cette reconversion est toute aussi intéressante, mais plus compliquée. Près d'Arras, les établissements Huret et Chevalier sont un cas représentatif de ce qui se passe pour les PME régionales. Avec la crise, cette société connaît une baisse de commandes pour l'automobile de l'ordre de 50%. «Nous avons déjà travaillé avec le ferroviaire. Nous disposons de machines spéciales qui permettent d'usiner des pièces traitées et ça les avait intéressés», déclare Stéphane Meurdesoif, le gérant de cette entreprise. Et d'ajouter: «Le ferroviaire étant l'un des seuls secteurs qui restent aujourd'hui sur les rails, nous aimerions décrocher des commandes mais ça n'est pas si simple. Je ne peux pas me permettre de passer 2jours ou plus à réaliser des devis pour ne rien avoir de certain. Pour travailler avec les grands de ce secteur, les PME doivent s'unir.»

Centres de recherche. Des leaders européens à la pointe

La région compte des laboratoires de renom adaptés au ferroviaire. Dans le Pas-de-Calais, le Crepim est spécialisé dans les tests de matériaux en situation d'incendie. Dans le Nord, Valutec est la référence du crash test et autres essais.


 

À Bruay-La-Buissière, le centre de recherche et d'études sur les procédés d'ignifugation des matériaux (Crepim) réalise 30% de son activité par le ferroviaire. «Cette activité aura vocation à croître dans le futur. Les exigences se durcissent en matière de sécurité et de fiabilité des matériaux», précise Franck Poutch, directeur technique du site.

De la région à l'international


Aujourd'hui, le Crepim est l'un des rares laboratoires de recherche à être accrédité en Europe pour l'interopérabilité. «Cela renvoie à tout ce qui concerne l'homogénéité de l'alimentation électrique, de la sécurité incendie dans tous les pays européens.» Dans le domaine du ferroviaire, il intervient aussi à l'international et en région Nord-Pas-de-Calais. Les chercheurs du laboratoire interviennent sur des phases de tests et de développements de nouveaux matériaux pour la sécurité incendie. «Nous sommes impliqués dans le pôle de compétitivité i-Trans. Il y a une forte compétence régionale ferroviaire. Nous travaillons avec deux grands constructeurs avec qui nous bâtissons des prescriptions, quatre intégrateurs ainsi que 70 équipementiers qui, eux, font appel à nous pour trouver des réponses aux prescriptions.» Sur le terrain, Franck Poutch ne voit pas encore de mutations des sous-traitants automobiles vers le ferroviaire. «Nous intervenons auprès de ces différents acteurs. Le ferroviaire et l'automobile ont deux problématiques différentes. Le premier travaille sur des petites séries quand le second en fait des grandes. De même, le ferroviaire fait appel à des exigences de fiabilité bien plus drastiques encore que l'automobile.» Toutefois, le chercheur constate un transfert de méthodologie de l'automobile vers le ferroviaire.

Coup double à Valenciennes


Dans le Nord, le centre technologique en transports terrestres (C3T) Valutec joue à fond sur les deux tableaux. Créé en 1999, Valutec est la première SA filiale d'université, rentable aujourd'hui, avec une croissance annuelle de 15%. Il a été labellisé, fin 2008, centre de ressources technologiques (CRT). À l'étroit, il vient d'être agrandi et entre dans le cadre d'un futur Technopôle sur les transports. D'abord exclusivement orienté automobile, ce partenaire de l'ingénierie des industriels cible d'autres secteurs. «Avec la crise, nous essayons de nous tourner vers l'aéronautique et le ferroviaire. L'automobile représente aujourd'hui 85% de notre activité», note Jérôme Gazeaux, chargé d'affaires. Les outils sont adaptables. «Le banc dynamométrique de freinage est dimensionné pour le ferroviaire, sur des maquettes. En vibratoire-acoustique, nous pouvons aussi faire des tests directement sur site», indique un ingénieur maison.


Constructeurs. Des carnets de commandes pleins

La région abrite deux des trois géants de la construction ferroviaire: Alstom et Bombardier. Leurs carnets sont pleins, grâce au boom des transports en commun, aux plans de relance et autres Grenelle. Il ne passe pas un train sans qu'une commande ne tombe dans l'escarcelle de l'un ou l'autre: tram de Montpellier, métro de Singapour, RER parisien... Présents dans le Valenciennois, le groupe français Alstom et le canadien Bombardier affichent une santé exceptionnelle. À eux deux, ils font vivre une armée de sous-traitants, au nombre d'une centaine, et se partagent même les commandes. Sur les terres de Bombardier, à Crespin, en pleine construction, Trans-Avenir doit aussi devenir un parc ferroviaire majeur sur 20ha: un millier d'emplois d'ici à 2012. Parmi les gros contrats en date: 372 trains Francilien et l'autorail à grande capacité (AGC) qui doit équiper 21 régions françaises, soit 700trains d'ici à 2011. La SNCF et Les Chemins de fer luxembourgeois ont confié en février au duo la fabrication de 14rames de TER à 2 niveaux pour un contrat de 62M€ et une livraison en juin2010. En Asie, Alstom a livré en décembre la dernière rame de la ligne de métro Circle Line de Singapour. En tout, 40rames Métropolis ont été livrées pour desservir la plus longue ligne de métro du monde (33km) «made in» Nord - Pas-de-Calais.



Première région ferroviaire de France, le Nord - Pas-de-Calais concentre 30% de la production nationale et compte près de 100 équipementiers et sous-traitants. Avec un tel vivier de main-d'oeuvre, la présence de grands donneurs d'ordres, des carnets de commandes qui ne désemplissent pas et une industrie automobile qui bat de l'aile, toutes les conditions sont réunies pour que ce secteur d'activité, l'un des seuls à rester sur les rails malgré la crise, devienne la locomotive de l'économie régionale.

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