INTERVIEW : « RFF estime que le débat sur le niveau des péages du TGV est légitime »
FRANCE - Depuis des années, on avait pris l'habitude de parler de Réseau Ferré de France (RFF) pour relever ses déficits chroniques. Les choses changent. Le gestionnaire du rail publie ainsi aujourd'hui le premier bénéfice net de son histoire -si on met de côté celui de 2008, qui avait été artificiellement gonflé par une reprise de provisions. Une preuve, selon RFF, que son modèle économique est enfin devenu viable. Même s'il est déjà contesté par la SNCF, qui estime qu'une trop grande part de l'effort pour la rénovation du réseau repose sur ses épaules. Elle met en cause les péages payés pour faire circuler ses TGV, censés augmenter de 940 millions sur cinq ans. Ce n'est pas la seule pomme de discorde entre les deux groupes publics, qui devront également négocier cette année la convention de gestion qui les unit pour la maintenance du réseau.
Hubert du Mesnil, président de RFF, revient pour le ournal « Les Echos » sur ces deux dossiers essentiels pour l'avenir du rail français :
Les Echos : Quel bilan tirez-vous des résultats 2009 de RFF ?
Hubert du mesnil : Nous sommes satisfaits car nous avons rempli nos objectifs. Notre modèle économique a joué le rôle d'amortisseur face à la crise. Pour nous, ce qui compte, c'est le nombre de trains qui roulent, même s'ils sont sans doute moins remplis pour les transporteurs. Dans le détail, le nombre de TGV a progressé de 1 %, celui des TER de 1 % et celui des Transiliens de 4 %. En revanche, le fret s'est effondré de 27 % ! Mais cela doit être relativisé, car le transport de marchandises paye des péages très faibles : cette évolution nous a donc fait perdre 35 millions de redevances, sur un chiffre d'affaires de 3,3 milliards. A côté, le bas niveau des taux d'intérêt nous a permis d'économiser 335 millions de frais financiers ! Evidemment, c'est une menace pour l'avenir.
Avez-vous continué à investir malgré la crise ?
Nous avons investi 3,3 milliards d'euros dans le réseau ferroviaire, conformément à nos engagements. Surtout, pour la première fois, les montants consacrés à la rénovation du rail (1,6 milliard) ont été supérieurs à ceux engagés pour son développement, et ce grâce au Grenelle de l'environnement et au plan de relance. Par ailleurs, pour l'avenir, nous menons actuellement de front quatre projets de partenariat public-privé. Le calendrier est respecté malgré la crise, et c'est un vrai motif de satisfaction. Je considère aujourd'hui que la France a mis fin au déclin de son réseau ferroviaire.
La multiplication des chantiers de rénovation est-elle à l'origine du plus grand retard des trains l'an dernier ?
Ces travaux sont causes de perturbations, c'est incontestable. Il est vrai que ces chantiers de 2009 avaient été mal programmés à l'origine, ce qui explique ces perturbations. C'est le passé, mais nous avons désormais les moyens de mieux anticiper. Nous devons être capables d'avoir une vision de moyen terme pour ces travaux et de pouvoir les programmer à un horizon de trois ans en concertation avec tous nos partenaires, notamment les régions. C'est l'engagement que nous prenons. Les transporteurs pourront ainsi s'organiser en conséquence. D'ici à deux ans, nous devrions avoir réduit au minimum les perturbations liées à ces chantiers. Pour garantir un niveau de service acceptable pour nos clients, en attendant, nous avons choisi de décaler certains chantiers. Avec une centaine de gros chantiers par an, nous sommes au maximum des possibilités.
La SNCF critique sans ménagement le montant des péages qu'elle doit payer pour faire circuler ses TGV. Etes-vous en négociation sur ce sujet ?
Les discussions sur la tarification ont lieu tous les ans, ça n'a rien d'une nouveauté. L'élément nouveau est l'arrivée prochaine de la nouvelle autorité de régulation ferroviaire, qui pourra nous dire si les prix de nos sillons sont corrects, par rapport à leurs coûts et en comparaison à ceux des autres pays d'Europe. Cette précision faite, il faut ajouter que ce débat sur le niveau des péages du TGV est légitime. Il a déjà eu lieu, il peut à nouveau être mené. Il y a deux ans, il avait été décidé avec l'Etat que la hausse des redevances serait concentrée sur le TGV, alors florissant. Dès lors que sa rentabilité diminue, il n'est pas illogique que sa mise à contribution pour la rénovation du réseau soit réexaminée et se stabilise le temps que la croissance revienne. Mais RFF estime qu'il demeure du potentiel pour poursuivre le développement de ce secteur. La reprise du trafic voyageurs de 7 % au premier trimestre 2010 en témoigne. Ce n'est toutefois pas à nous de trancher. Mon devoir, en revanche, c'est de rappeler que le réseau ferroviaire coûte 6,2 milliards d'euros par an et qu'il faut en payer le prix si on veut le maintenir durablement.
Pour réduire le niveau des péages, ne faudrait-il pas réduire le coût de la maintenance du réseau ferroviaire ?
Nous sommes actuellement en négociation avec SNCF Infra sur le contrat qui nous lie, puisque nous lui confions la maintenance du réseau. Notre conviction profonde, c'est qu'il existe des marges de manoeuvre pour réduire les coûts. La rénovation du réseau devrait faire qu'à l'horizon 2015, celui-ci coûtera moins cher à entretenir. D'ici là, nous devons revoir la façon dont les travaux sont réalisés. Je ne vois pas pourquoi la SNCF, avec toutes ses compétences, ne serait pas capable de se mettre au niveau des meilleurs standards européens. Il faut donc que nos deux entreprises fassent des efforts conjoints de productivité et d'efficacité.
La SNCF explique que le contrat actuel pour la maintenance lui a fait perdre 1 milliard d'euros en quatre ans…
Chez RFF, nous n'avons pas cette vision. Nous ne mélangeons pas le résultat d'exploitation et les dépréciations d'actifs ! Il faut arrêter de dire que cette activité infrastructures est structurellement déficitaire. Nous sommes dans un cercle infernal, où la SNCF n'investit pas car elle prétend qu'elle devra aussitôt déprécier ces investissements. Il faut que RFF et la SNCF se mobilisent pour sortir de cette logique : tout le monde sera gagnant.
Des nouveaux transporteurs comme Deutsche Bahn ou Veolia vous ont-ils fait des demandes de sillons pour venir concurrencer la SNCF en 2011 ?
Nous continuons à discuter avec deux opérateurs, dont Trenitalia. Ils nous ont répété leur volonté d'arriver sur le marché français dans les prochains mois. Il est certain que la crise ralentit l'arrivée de nouveaux opérateurs. La concurrence est toutefois déjà là dans le fret, et RFF entend répondre aux demandes des opérateurs pour une plus grande flexibilité dans l'attribution des sillons à la dernière minute.
Legitime, la hausse des péages à RFF, selon son président Hubert du Mesnil : Selon Réseau ferré de France, il y a encore du potentiel pour poursuivre le développement du secteur des TGV. La reprise du trafic voyageurs de 7 % au premier trimestre 2010 en témoigne... Alors quitus pour une aumentation des péages, Hubert.... du moins, sur les fonds permettent enfin de rénover les voies du réseau secondaire limitées à 30-40 km/h, pour cause de délabrement avancé...
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