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PASSION-TRAINS

RESEAU : Le train sifflera-t-il trois fois en Aspe ?

2 Octobre 2011 , Rédigé par Sudouest.fr / Guy D. Publié dans #REPORTAGE

Logo-RFF.jpg FRANCE - N'y allons pas par quatre chemins, il n'y en a qu'un : la nationale 134. La vallée d'Aspe offre un des plus beaux paysages qui soient. En ce coin, le temps n'a pas d'emprise sur la beauté figée des Pyrénées, souvent embrumées et qui ont l'air de fumer. Au comptage démographique, ils ne sont plus que 2 700 habitants à profiter d'un spectacle qui a fini par les blaser.

 

On s'habitue à tout. Y compris à ces centaines de camions qui traversent les villages chargés quasi exclusivement de maïs Euralis. Même « l'Indien » Éric Pétetin, qui vient de revenir du côté de Cette-Eygun après des années de jardinage municipal à Bègles, ne mène plus ce genre de combat. Il tente juste de subsister en ne se laissant pas déloger avec sa communauté pacifiste et antimondialiste. Sa Goutte d'eau, toujours à l'emplacement de l'ancienne gare, ne fait plus déborder le vase. « Indignation totale », la revendication à la mode, affichée sur une large banderole, n'est pas de lui.

 

Barrière numéro 55, entre Sarrance et Bedous, à l'endroit précis où s'annonce le col d'Ichère. Ariette, l'ancienne garde, est toujours là dans la minuscule maison qui fut son lieu de travail. Pendant trente-cinq ans, elle a vu passer les trains. Puis plus rien. Elle s'y est habituée et s'est mise à espérer les revoir un jour. Mais le temps court contre son âge qui a pris de l'avance. « Cela me ferait plaisir et je ne suis pas la seule. Nous sommes fatigués d'attendre mais je continue à débroussailler la voie. »

 

La lassitude prend aussi la forme de la résignation du côté d'Accous, au lieu dit l'Estanguet. De ce promontoire, Anna Lacoste, qui tenait l'auberge de ses parents, se trouvait aux premières loges lors du déraillement de 1970 qui détruisit le pont et coûta la vie au « Canfranc ». « J'ai entendu le train agoniser. On attend toujours le train du génie qui devait venir réparer. » On en est toujours là. Des arbres, aujourd'hui trentenaires, ont poussé dans l'écartement des voies. L'auberge du temps des diligences a tiré sa révérence. À l'intérieur, Anna n'a rien changé.  « Le problème, c'est que personne n'est vraiment contre le retour du train, mais personne n'est réellement pour. C'est l'indifférence générale. Moi, j'ai assisté à l'enterrement de première classe du dernier train de marchandises le 30 mai 1980. Nous étions une petite dizaine. Un bouquet de fleurs avait été posé sur le tampon de l'automotrice. La vallée amplifiait les sifflements du train. C'était déchirant », se souvient François Rebillard, secrétaire du Comité pour la réouverture de la ligne Oloron-Canfranc (Creloc). L'association Poil à gratter mène la bataille depuis 1986. « Il y a des avancées. Des accords ont été passés entre RFF (Réseau ferré de France), l'État et la Région. Mais pour nous, cela ne va jamais assez vite. Il faudrait au moins des signes de bonne volonté avec des travaux préliminaires. Cela avait été le cas en 2008 avec le débroussaillage des voies mais depuis, elles sont à nouveau sous les ronces. »

 

Avenue de la Gare à Bedous. S'il n'y a plus de trains, la ruelle en pente douce a gardé son nom. Une famille loue à RFF l'emplacement de cette belle bâtisse en pierre au toit d'ardoise caractéristique. La SNCF a de son côté transformé en gîte les dépendances, pour le plus grand bonheur de son comité d'entreprise. À quelques pas de là, Louis répare sa vieille voiture. Il est arrivé en vallée d'Aspe, l'année où le train de marchandises a cessé de fonctionner. Juste le temps pour lui d'en voir passer quelques-uns du côté de Pont-Suzon.  « Je n'ai jamais compris pourquoi ils avaient abandonné la ligne. À l'époque, il y avait des centrales électriques. Ils se sont juste contentés de dire que le transformateur d'Urdos n'était pas assez puissant. » Lui prendrait bien le train pour ses déplacements mais il doit se contenter du bus, service qu'est obligée de maintenir la SNCF suite aux accords internationaux passés. « Ici, le mot désenclavement est dans toutes les bouches mais pas dans les têtes. Il y a un potentiel, notamment touristique, mais l'absence de clairvoyance est flagrante. Nous sommes à côté de nos pompes car nous avons peur de tout ce qui vient de l'extérieur. Et donc rien ne se passe », poursuit Louis qui s'occupe de l'entretien du réseau local des chemins.

 

Il veut bien croire au retour du train dans cette haute vallée qui s'est un peu revitalisée. Elle est devenue pour beaucoup une cité-dortoir du vallon. « Pour l'instant, je ne vois que les effets d'annonce pour le train. Jusqu'à Bedous, je veux bien y croire mais la suite est un grand mystère. Il y a beaucoup d'ouvrages d'art et le tunnel juste avant les Forges-d'Abel ne sera pas une mince affaire. On a détruit les viaducs pour laisser passer les camions et maintenant il faudrait les refaire ou creuser sous la route… J'aimerais juste un peu plus de cohérence. »

 

Techniquement, il se dit qu'en trois ans maximum, la ligne jusqu'à Canfranc pourrait être terminée. En avril dernier, même la ministre de l'Écologie Nathalie Kosciusko-Morizet a trouvé le dossier crédible. Mais ce train-là a pris du retard. C'est endémique en vallée d'Aspe.

 

 La voie ferrée du côté de Bedous. PHOTO Guillaume bonnaud

 

Abandonnée en 1970 pour les passagers puis en 1980 pour le fret, la ligne veut revivre en Aspe. Mais il y aura du travail : des arbres de trente ans entre les rails, ça fait désordre...

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Of course, this does not apply to online journals.
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