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PASSION-TRAINS

REPORTAGE : Gros plan sur les aiguilleurs de l’ombre

24 Mai 2008 , Rédigé par mcsinfo.u-strasbg.fr Publié dans #REPORTAGE

 FRANCE - Il est 14h30 en gare de Strasbourg. La tension monte dans le poste d’aiguillage. Un train en provenance d’Erstein arrive en gare de la capitale alsacienne. Il n’était pas prévu sur le large panneau de signalisation qui occupe un mur de la salle principale de ce bâtiment. Concentré, un opérateur lui trouve un itinéraire et l'oriente vers l’une des neuf voies de la station strasbourgeoise. En moins d'une minute, le contretemps est maîtrisé. Très loin du stéréotype des aiguilleurs en bleu de travail devant une multitude de manettes électriques, les six opérateurs du Poste d’aiguillage informatique de Strasbourg (PAI), en tenue décontractée – bermudas et chaussures bateau l'été – sont assis devant trois écrans chacun.

Une trentaine de cheminots se relaient 24 heures sur 24 pour assurer le bon fonctionnement du réseau ferroviaire strasbourgeois. Construit par Réseau ferré de France (RFF) à l’occasion de la mise en service de la ligne à grande vitesse (LGV) Est le 10 juin 2007, le PAI a révolutionné la vie des aiguilleurs... et de la gare.

De l'extérieur, boulevard de Metz, le PAI strasbourgeois n'attire pas l'attention des badauds. Pourtant, ce centre informatisé, l'un des tout premiers de France, inauguré le 23 novembre 2006, occupe une superficie de 1500 m2. De la salle d'exploitation, les opérateurs ont un œil sur toute la gare, grâce aux baies vitrées du bâtiment. Le lieu de travail est agréable, mais la vue sur les voies, inutile : les opérateurs du poste d’aiguillage sont en communication directe par téléphone avec les agents d’escale sur les quais, leur seul lien avec la fourmilière qu’est devenue la gare de Strasbourg.

De celle-ci, les convois partent dans cinq directions : Vendenheim et Lauterbourg vers le nord, Kehl à l'est, Erstein au sud et Molsheim à l'ouest. Face au nombre restreint de voies, 1280 itinéraires évitent à deux trains de se percuter. Lorsqu’une locomotive est annoncée par l'une des gares voisines, un opérateur l’oriente afin d’éviter les embûches. C’est aussi le PAI qui autorise le départ des trains, une fois leur itinéraire tracé.

L’autre mission des aiguilleurs est d’assurer la ponctualité des machines et de vérifier leur vitesse. Tout retard est enregistré, tout excès de vitesse stoppé. Avec une fréquence d’un train toutes les trois minutes, la tâche n’est pas aisée : la gare et ses neuf voies sont trop étroites pour gérer le flux grandissant.

Daniel, chef de circulation, déplore la configuration des lieux, qui n’a pas évolué au rythme du TGV. Jean-Marc Bomo, chef de projet du PAI à la SNCF, soutient que « lorsque tout va bien, les agents de circulation font seulement de la surveillance ». Une manipulation informatique suffit à orienter les rails. Daniel, la cinquantaine, formé au départ comme aiguilleur quand il exerce aujourd'hui le métier d'opérateur informatique, a vu sa profession évoluer. Le PAI a remis totalement en cause son travail.

La destruction de l’ancien poste d’aiguillage, le 13 mai dernier, a ému bon nombre de ses collègues. Certains y avaient passé une trentaine d’années. 45 personnes travaillaient dans l’ancien poste, contre 30 aujourd'hui. En hommage à cet « ancien temps » où les manipulations étaient encore électriques, un petit boitier d'aiguillage en fonte est installé à côté de l'écran géant des itinéraires, appelé dans le jargon « tableau à contrôle optique ». Une autre époque. Daniel et ses collègues en restent nostalgiques.

Les débuts de ce nouveau poste, d'une valeur de 60 millions d'euros, n'ont pas été faciles. Lors de sa mise en service, le trafic avait été interrompu 28 heures, laissant la gare entièrement vide. Le taux de ponctualité, qui oscille habituellement entre 85 et 90%, est descendu à 60%. Une situation qui n’a duré que trois mois, le temps d’effectuer les réglages de la machine. A l’heure actuelle, ce taux a retrouvé son chiffre initial. Le but est désormais de se rapprocher des 100%.

Un an et demi après l'inauguration du PAI, Yann Peter-Schmitt, l'un des chefs de projets pour RFF, juge le bilan satisfaisant. « Le quotidien n’est pas simple, mais il n’y a aucune demande de modification formulée par les usagers ou nos partenaires, c’est donc que c’est un succès », assure-t-il, un sourire aux lèvres.
D'ici quelques années, le poste d'aiguillage strasbourgeois gèrera les gares de Saverne, Sélestat, Molsheim et Colmar ; à terme, l'ensemble du réseau alsacien. Lorsque le trafic ferroviaire régional sera commandé de Strasbourg, la France ne comptera plus que vingt postes d'aiguillage à grand rayon d'action – contre plusieurs centaines aujourd'hui – soit un poste par région administrative.

Mais alors qu'il est tout neuf, le PAI montre déjà ses limites. Rien de tout cela ne sera possible sans un nouvel agrandissement. Pour Yann Peter-Schmitt, « pour commander toute l’Alsace, il faudrait 3000 mètres carrés, soit doubler la surface ». D'ici là, RFF travaille aussi sur des projets d’agrandissement des voies ferroviaires. Avec deux voies supplémentaires, le PAI gagnerait en souplesse.

 


Pour accueillir le nouveau TGV Est, le poste d’aiguillage a fait peau neuve. Le centre qui gère l’ensemble du réseau ferrovaire strasbourgeois est maintenant entièrement informatisé.  Ainsi, c'est 1280 itinéraires qui sont gérés chaque jour par une équipe de 30 personnes qui se relaient pour assurer son fonctionnement. Face cachée d'un service indispensable à la bonne marche des trains...

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