REPORTAGE : "Il faut sauver la ligne Grévy"
FRANCE - D'un côté, un vaste projet européen de loisirs en phase active : la Véloroute. De l'autre une petite association de passionnés nichée dans le Val d'Amour entre Dole et Mouchard. Elle milite pour la relance touristique de la ligne ferroviaire construite en 1884 à la demande du président de la République Jules Grévy. Ce dernier l'utilisait pour rejoindre sa ville natale de Mont-sous-Vaudrey où il venait s'oxygéner. Las ! Le conseil général du Jura a opté pour la démolition de la ligne présidentielle afin de laisser la place à la Véloroute. Du coup l'association a porté l'affaire devant le tribunal administratif de Besançon pour demander l'annulation de la déclaration d'utilité publique qui condamne la voie ferrée.
Pourtant, à bien y regarder, les deux projets ne sont pas en concurrence ; ils seraient même complémentaires... A l'origine, la voie Grévy courait de Dole à Poligny, utilisée à la fois pour le transport de voyageurs et de marchandises. L'axe Mont-sous-Vaudrey-Poligny fut démonté en 1968 et c'est en juin 2005 que le transport de marchandises a été suspendu par la SNCF sur le tronçon restant qui desservait quelques entreprises du Val d'Amour.
« Actuellement la ligne est toujours classée par RFF, mais elle est en instance de « retranchement » c'est-à-dire neutralisée », explique Denis Ringuet secrétaire de CFVA, l'association du chemin de fer du Val d'Amour dont les statuts ont été déposés en août 2006. Elle réunit 25 passionnés anciens cheminots et autres amoureux des trains.
Denis Ringuet est lui-même un « spécialiste » de la résurrection des petites lignes, puisque ce Bourguignon est à l'origine du train de la vallée de l'Ouche près de Beaune devenu un authentique succès touristique. Installé à Dole, il s'est pris d'affection pour le Val d'Amour tout proche et sa voie « présidentielle ». « C'est une jolie ligne encore en état, la réouvrir en chemin de fer touristique redynamiserait le secteur avec l'apport annuel de 15.000 voyageurs », dit-il.
En parallèle, l'association qui prépare avec soin son argumentaire étudie un volet transport de fret à destination des entreprises riveraines, évalué à 10.000 tonnes de potentiel. L'ensemble de la remise en route est chiffrée à 1,5 million d'euros. « Selon les experts que nous avons consultés il faudrait 12 à 18 mois pour que cet investissement soit réinjecté dans l'économie locale », souligne Denis Ringuet.
Mais voilà qu'à la sortie de Dole la voie devrait être démontée sur un kilomètre pour laisser passer la Véloroute. L'association a apporté sa contribution à l'enquête publique en juillet. « On a constaté qu'à Dole la Véloroute était traitée comme une rocade urbaine, or les cyclotouristes ne sont pas des nuisances mais des apporteurs d'affaires pour l'économie, il est aberrant de les rejeter hors de la ville », s'indigne Denis Ringuet, déçu que les propositions de CFVA à l'enquête n'aient même pas été « lues ».
L'arrêté d'utilité publique dqte de novembre et condamne la ligne « alors que nous avons argumenté sur la complémentarité de la Véloroute et du rail. Avec un peu de bonne volonté on peut concilier les intérêts de tout le monde », dit-il.
Les élus locaux, dont le maire de Mont-sous-Vaudrey Bernard Fraizier, soutiennent le projet de réhabilitation d'autant que la commune fêtera cet été le bicentenaire de la naissance de Jules Grévy. Un dossier très détaillé a été transmis avec espoir au conseil régional. La FNAUT (fédération des usagers des transports) a apporté son soutien à l'association dans sa requête auprès du tribunal administratif.
Enfin des contacts ont été noués avec les Suisses qui ont su avec intelligence exploiter leur patrimoine ferroviaire, comme le train des cimes pour les skieurs et randonneurs, ou le petit train Yverdon-Sainte-Croix. Plébiscité par les touristes il a décuplé la fréquentation des marcheurs, cyclistes et visiteurs des musées horlogers. « Il faut s'inspirer de ces modèles pour créer une solution à la française », explique Denis Ringuet.
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