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PASSION-TRAINS

TRANSPORT : Les nouvelles voies des transports combinés en France

6 Novembre 2009 , Rédigé par Lesechos.fr Publié dans #ACTU

FRANCE - Le transport combiné est un vieux serpent de mer, vanté par de nombreuses études et rapports au cours des dernières décennies. Cette manière de déplacer du fret combine toujours plusieurs modes de transport (camion ou navire + train ou barge fluviale, par exemple) qui s'enchaînent grâce au transbordement d'un contenant (conteneur maritime, caisse mobile, remorque...…). Pour des transports de longue distance, l'objectif est de baisser les coûts unitaires en privilégiant le mode le moins vorace en énergie.

Hélas, les combinés, spécialement le rail-route, soulèvent encore le scepticisme à cause de ruptures de charge peu optimisées, du manque de fiabilité du fer et des ports, des suspicions entre modes concurrents, …les chargeurs, transporteurs, opérateurs et prestataires qui s'y intéressent ne réunissent qu'un petit club. A la différence de sa variante « autoroute ferroviaire » (semi-remorques sur camions), « le transport combiné classique rail-route est un sujet sans paillettes », regrette un spécialiste.

Pour Philippe Bonnevie, délégué général de l'Association des utilisateurs de transports de fret (AUTF), « ce sont les grands retards qui ont tué le combiné. Les opérateurs étrangers évitent l'Hexagone. Son image est déplorable, révélatrice des impuissances politiques et récolte des turbulences sociales ». Jean-Claude Brunier, président du Groupement national du transport combiné (GNTC), ajoute que « le combiné a eu une vie chaotique en France, parfois à la limite de l'extinction ».

Il y a vingt ans, tous les messagers l'utilisaient parce que plus rapide que la route. Mais les autoroutes se sont développées et la qualité du fer s'est détériorée : l'effet ciseaux a été implacable. Un bref regain s'est produit, « quand le cours du pétrole était à 140 dollars le baril, le rail-route était revenu un petit nuage ». Mais la baisse du baril a rendu les prix de la route imbattables et, avec la crise, les routiers ont privilégié l'utilisation de leurs seuls camions. Michel Savy, professeur à l'Ecole des ponts, ajoute que l'arrivée des membres orientaux de l'Union européenne a encore avivé la concurrence routière. Seuls une petite dizaine de transporteurs routiers, les « rail-routiers », offrent systématiquement les combinaisons de modes. « Le poids du combiné s'est rétréci de 15 milliards de tonnes/km par an il y a quelques années, à 8 milliards, puis est remonté à peine à 10 aujourd'hui. Pour repasser ce cap, l'effort sera lourd », pronostique Philippe Bonnevie. « Avec 10 % des flux routiers, il reste sous-développé en France par rapport à l'Allemagne », ajoute Tarek Hosni, directeur général de Novatrans, qui y voit pourtant un potentiel de doublement.

De fait, aujourd'hui, le vieux serpent, relooké en vert, ressort la tête de l'eau. Les chargeurs basculent dans la « green supply chain », regardant ce bimode ou ce trimode massifié comme économe en émissions de CO2. Puis, dans la foulée du Grenelle de l'environnement, le plan fret annonce 7 milliards pour pousser au report modal. Le gestionnaire d'infrastructures ferroviaires, RFF, s'attelle déjà à la tâche titanesque de remise à niveau du réseau français. La SNCF est aussi à la manoeuvre en accrochant à Geodis et à Fret SNCF des filiales spécialisées, une des dernières étant Novatrans, leader du rail-route. Le combiné deviendra « d'autant plus compétitif que la route sera renchérie par les coûts du gazole, de la main-d'oeuvre, par l'internalisation de coûts externes, les taxes », souligne Tarek Hosni.

Quant aux ports côtiers, « conçus à l'origine pour les seuls navires maritimes, ils cherchent à optimiser la desserte de leur « hinterland »,  indique Jean-François Dalaise, président du Comité des armateurs fluviaux (CAF). « Ils croient au potentiel du combiné, puisque Port 2000 a été construit pour les conteneurs et que Marseille a pris une participation dans le port fluvial de Lyon », souligne un armateur. Pour que le combiné renaisse, « il fallait changer de braquet », estime le professeur Michel Savy, pour qui cette industrie à rendement croissant (quand le trafic augmente, les coûts unitaires fondent, mais quand il recule, ils explosent) « était entrée dans une spirale de déclin » : « chantiers » (plates-formes terrestres de passage de la route au rail) saturés, mal optimisés ou en peau de chagrin, parc de locomotives ponctionné pour les voyageurs également prioritaires sur les sillons. …Pour lui, il faut ouvrir de nouveaux chantiers, « surtout en Ile-de-France, où l'accès routier à ceux qui survivent supporte les plus forts coûts de congestion ». Pour Hervé Martel, nouveau directeur général du Port autonome de Paris (PAP), «   il faut en même temps rapprocher les ports fluviaux de la logistique et mettre des plates-formes logistiques dans les ports.».

Sans compter que cette chaîne d'intervenants complexe, comme le souligne Michel Savy, suppose la combinaison d'une bonne infrastructure et d'une solide offre commerciale, laquelle a fondu. Il y a une volonté forte des adhérents de l'AUTF de faire du combiné, mais ils ne trouvent pas d'offre en face, affirme Philippe Bonnevie. « Le transport routier en porte-à-porte est simple, souple, facile à évaluer, alors que le rail-route suppose une plus grande anticipation, une organisation technique différente, des horaires contraignants, un prix de revient plus complexe », explique le consultant spécialisé Patrice Salini.

Reste la question clef des aides publiques. Chaque boîte manutentionnée bénéficie aujourd'hui d'une « aide à la pince » de 12 euros, bientôt 15. Michel Savy explique que la politique européenne d'inspiration libérale admet une sorte d'exception pour le combiné à cause de ses effets positifs sur l'environnement, la congestion, la sécurité. «  Sans ces aides, tout s'arrêterait  », affirme Gérard Perrin, président de l'armateur fluvial CFT. « Tout renchérissement de charges mettrait en péril l'objectif de report modal affiché par les autorités », affirme Luc Nadal, responsable du pôle transports ferroviaires de marchandises de SNCF Geodis. Pour lui, l'Europe « voudrait que le monde ferroviaire trouve les propres voies de son désendettement. Je ne crois pas à cette utopie ». Le sujet reste d'actualité.



Qu'ils soient rail-route, mer-rail, mer-fleuve, fleuve-rail ou emboîtement de trois modes successifs, les « combinés » reviennent au goût du jour : la SNCF se réorganise, RFF met en oeuvre de gros moyens, les ports maritimes et intérieurs se mobilisent. La hausse des coûts des énergies fossiles y serait elle pour quelque chose ?

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