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PASSION-TRAINS

REPORTAGE : Des TEE chez Fidel

28 Décembre 2006 , Rédigé par Pierre H. / chubilleau.com Publié dans #REPORTAGE

 FRANCE / CUBA - Après des marchés réalisés avec le Gabon et la Belgique, la capacité de l’entreprise SNCF du Périgord de valoriser son patrimoine, et d’exporter son savoir-faire dans le domaine du matériel roulant, s'est glorieusement illustrée il y a quelques années par la vente à Cuba de 44 voitures TEE inox, plus quatre voitures parc. Il s’agissait de neuf voitures B9 1/2tu de 1961,(B=2ième classe,9 et1/2=9 compartiments plus un 1/2 compartiment, soit 76 places, t=couloir central, U= climatisée).

 

Les accompagnaient six voitures B9 1/2tu de 1966, douze A8tu de 1966, neuf voitures A8tu de 1970 (A= 1ière classe à 8 compartiments), et huit voitures B3Dtu X de 1964-1966(B=2ième classe à 21places,D= fourgons, X=aménagements spéciaux : groupe électrogène par exemple). Les A8tu sont des 1ères classes à 8 compartiments de 6 places, soit 48 places, les B9 1/2tu sont des ex-A8tu transformées, qui possèdent 76 places. Les voitures parc sont destinées au démontage, pour alimenter en pièces de rechange, ces rames uniques acquises par Cuba. En France, toutes les voitures TEE inox, ont été retirées de la circulation en 1995.

Ce contrat référence de 5 750 000 €,a été passé en 2001 entre la SNCF, l’Union des chemins de fer cubains (UFC), et la société Empresa Importadora General del Transporte (EIGT), qui en a négocié les termes et les conditions d’importation des matériels, avec la société Devexport, chargée d’assurer le montage financier et le paiement de cette opération. Une commande qui a génèré pour l’établissement périgourdin, quelque 20 000 heures de travail.

Révisées, réhabilitées et adaptées aux conditions de circulation à Cuba, les voitures TEE inox, anciennes, luxueuses, et légendaires voitures du Trans Europe Express (entre autre), ont été livrées par bateau, en trois rames. Les deux premières expéditions ont eu lieu en janvier et mars, la troisième en juin, au départ de Marseille. Un conteneur rempli de pièces détachées et d’outillage, a accompagné chacune d’entre elles. Arrivées à destination, ces voitures étaient immédiatement exploitables, car l’écartement des voies est identique à celui de la France. Elles circulent depuis sur la ligne principale, reliant La Havane à Santiago de Cuba.

La remise à niveau a porté sur l’aménagement intérieur, la révision des bogies et des groupes électrogènes. Si la modification la plus mineure à noter, concerne le système de frein électropneumatique, qui a été déposé, l’intervention la plus importante a intéressé l’accrochage, car les voitures cubaines ont un système d’attelage américain différent du nôtre. Les voitures entre elles, gardent à l’intérieur de la rame leur attelage d’origine, mais, à chaque extrémité des fourgons-générateurs, il a été installé un crochet mécanique, automatique, très résistant. Il permet de faire de la traction et de la compression. Il n’y a donc plus de tampons à cette extrémité du fourgon, celle qui doit être rattachée à la motrice.

L’étude a été confiée à "LAF" (appareils ferroviaires), une filiale de la Compagnie internationale de maintenance (CIM), spécialisée dans le négoce, entre les différentes compagnies ferroviaires mondiales. Chaque rame est encadrée par un fourgon-générateur équipé d’un groupe électrogène, placé à chacune de ses extrémités. Au total, cela fait huit fourgons-générateurs pour quatre rames.

L’énergie nécessaire au fonctionnement des installations électriques de toute la rame, est fournie par un groupe diesel-alternateur de 485 kW (660 ch). Le groupe délivre un courant triphasé 660 V 50 Hz. L’ensemble moteur-alternateur est monté sur un châssis, lui-même solidaire du châssis du véhicule, par l’intermédiaire de supports à cloche, munis de sandwichs antivibratoires du type Kléber Colombes. Le poids de l’ensemble est d’environ 7 300 kg. Le moteur diesel est du type A 12150 SCRI. C’est un moteur à 12 cylindres en V à 45°, suralimenté haute pression, avec air refroidi par circuit d’eau. Il tourne à 1 500 tr/min. Il est alimenté en combustible par des tuyauteries en cuivre calorifugées, à partir de deux réservoirs en inox disposés sous châssis et contenant chacun 780 l. Ces réservoirs sont munis d’un orifice de remplissage des deux cotés de la voiture. Le moteur est muni des sécurités indispensables pour son fonctionnement. Cela concerne notamment la température et la pression de l’eau et de l’huile, mais aussi la survitesse du moteur et la sécurité incendie.

L’ensemble est placé dans un local spécialement aménagé, dont l’insonorisation a été particulièrement soignée. En effet, les cloisons transversales séparant le compartiment moteur de la plate-forme et du compartiment à bagages, font 10 mm d’épaisseur. La production d’air sera assurée par le compresseur de la motrice cubaine, comme cela se fait chez nous, sur nos voitures Corail. L’air circule dans la conduite générale (CG), pour alimenter les freins, et dans la conduite principale (CP), pour tous les organes auxiliaires, tels que les portes par exemple.

Afin de s’assurer du bon fonctionnement de la climatisation, les voitures ont été soumises à des essais de performance climatique, dans l’enceinte spécialisée de l’établissement périgourdin, où l’on a reconstitué pour l’occasion, la chaleur tropicale cubaine. Lors des premiers contacts entre la SNCF et l’UFC, des essais ont été réalisés en 1998, sur une voiture 1ère classe. Suite à la signature du contrat technico-commercial, un deuxième essai a été requis sur une voiture 2ième classe, afin de s’assurer de l’efficacité de la fonction climatisation sur l’ensemble des voitures.

Stéphane Pelletier, spécialiste au service des études techniques de l’El du Périgord, explique la démarche : « La voiture était mise en condition initiale de température et d’hygrométrie tropicales, dans une situation climatique similaire à celle de Cuba, c’est-à-dire 36 °C et 80 % d’humidité, afin de vaincre l’impact de l’inertie métallique de la caisse. Après un préconditionnement de 1 heure 30, le cycle de préréfrigération pouvait alors commencer, avec la simulation de l’occupation du véhicule par les voyageurs. Cette présence humaine est traduite par le biais de tapis équipés de résistances chauffantes (175 W), posées à chaque place, et par des bouilloires posées à même le sol. Il s’agissait là de mesurer la chaleur sensible et la chaleur latente, produites par la sudation et l’expiration des êtres humains. Cette simulation était directement commandée via un PC, et les informations ont été recueillies sur une centrale de mesures, éditant une traçabilité papier. Pour cela, neuf sondes ont été disposées aux points stratégiques de la voiture : une dans chacune des deux salles, une à l’entrée et à la sortie de l’évaporation d’où est générée la climatisation. Trois autres sont placées à l’extérieur, soit une sur chaque face, et une autre sous la caisse de la voiture, afin d’obtenir la température moyenne de l’enceinte. »

Au départ de l’essai, la température à l’intérieur des salles était de 38 °C. À la fin du cycle de préréfrigération, celle-ci s’établissait à 28 °C, une valeur entrant dans la plage des températures prescrites par l’Union internationale des chemins de fer. Après la simulation de l’occupation, elle augmentait de 1 °C, et stagne pendant 3 heures, la température de l’enceinte étant maintenue constante à 36 °C, avec une hygrométrie de 70 %. Une fois l’inertie métallique et celle de la surface vitrée vaincues, la température recommencait à chuter pour atteindre une valeur de 25,75 °C en salle, au bout de 4 heures 30, ce qui était tout à fait conforme au cahier des charges et à la fiche UIC 553.

Deux électriciens, deux caissiers, deux mécanos et un interprète ont fait le déplacement en France pour profiter d’une formation adaptée durant quatre semaines à Périgueux. En retour, deux agents périgourdins de la SNCF sont allés en mission à Cuba pour aider à la mise en route du matériel français. Ce marché résulte de l’effort conjointement mené par les directions Juridique, Financière, des Achats, du Matériel, et de la Traction de la SNCF. Mais l’aventure cubaine n’est pas terminée, puisqu’elle pourrait s’étendre dans un avenir proche, à la fourniture d’autorails et de remorques... !

Rien ne se perd, tout se recycle ! Réhabilitées par l’EI du Périgord, 44 de ces prestigieuses voitures ont été livrées au total en 2001 par la SNCF aux Chemins de fer cubains. Elles sont destinées à circuler sur le principal axe ferroviaire du pays, reliant La Havane à Santiago de Cuba. Merci à Pierre H. pour cet excellent article, interessant e instructif ! 

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