EMPLOIS : L’avenir incertain des cheminots axonais
FRANCE - Planté entre rotonde et gare, c’est une sorte de haut beffroi. La Florentine découpe dans le ciel d’Hirson sa fine silhouette désaffectée,
désormais inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. Tout un symbole.
Il y a belle lurette que la ville n’est plus le second triage de France, après Paris. C’était au début du XXe siècle. Des convois entiers de minerais déferlaient du Nord et de Lorraine. Les cités
cheminotes des Champs-Élysées et de Buire ne désemplissaient pas. En 1929, la ville comptait 1 100 cheminots pour 11 000 habitants. Les trains ont passé. Et avec eux, l’incroyable essor
ferroviaire d’Hirson, privée de son dépôt depuis les années 60. Ainsi a débuté l’érosion inexorable du rail axonais. En tout cas de ses emplois : près de 3 000 dans les années soixante-dix, à
peine plus du tiers aujourd’hui. Saint-Quentin, Soissons, Château-Thierry, La Fère n’en accueillent guère que 200 à 300.
Partout, la fin de la vapeur (qui nécessitait autrefois un dépôt et un point d’eau tous les 50 kilomètres) et l’ouverture progressive à la concurrence ont sonné le glas des années fastes. Le
dépôt de Laon, lui aussi, a rendu l’âme. N’y subsiste aujourd’hui qu’une annexe traction de Tergnier où résiste l’ancien établissement industriel de maintenance du matériel (EIMM), spécialisé
dans l’entretien des wagons et des essieux.
Pompeusement rebaptisée « Technicentre de Haute-Picardie », l’ultime place forte ferroviaire de l’Aisne emploie encore 635 personnes, selon la direction régionale SNCF. A Amiens, les statistiques
datent un peu. En réalité, ils ne sont plus que 580. Les syndicats vitupèrent contre le plan fret et les « promesses non tenues ». La fusion avec l’EIMM de Longueau (Somme), désormais actée,
devait apporter personnels et activités supplémentaires, entraîner la révision de 4 000 wagons par an d’ici 2012, motiver un plan de modernisation de 16 M€ sur trois ans.
La crise financière a tout bousculé. En 2009, Tergnier a perdu une centaine de postes (départs non remplacés ou mutations), seuls 2 500 wagons y ont transité et l’investissement s’est limité à
2,5 M€. La SNCF a aussi transféré à Sotteville (Normandie) la maintenance des wagons-citernes et la ville s’apprête à fermer définitivement son triage en 2010.
La direction du Technicentre ne s’en cache pas : si le fret ne repart pas à la hausse, l’effectif chutera à 540 fin 2010. « A ce train-là, c’est la fermeture qu’il faut carrément redouter »,
enrage Eric Pluchard, le secrétaire Sud Rail du CE de Tergnier. L’avenir, en effet, n’est pas rose. Le ralentissement économique, la fermeture de gros clients (la cimenterie
d’Origny-en-Thiérache, par exemple) ou la fin du traitement des « wagons isolés » (affrétés par le privé) font craindre le pire. Mais plus encore la démobilisation des cheminots : « A 1 000 € par
mois, les jeunes préfèrent le privé et, vu la pyramide des âges, beaucoup d’anciens vont partir », assure Eric Pluchard. A Tergnier, de fait, la moyenne d’âge est de 47 ans. D’ici 2016, près de
200 agents partiront à la retraite. Et même si certains rempileront après 55 ans pour améliorer leur pension, la plupart ne seront pas remplacés. Le début de la fin ?
De 3 000 dans les années 70, ils sont à peine plus de 1 100 aujourd’hui. Les cheminots axonais sont une espèce en voie de
disparition. Et depuis un an, la chute du fret n’arrange rien. L'homo cheminotus axonais, bientôt une espèce en voie d'extinction ?
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