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PASSION-TRAINS

JUSTICE : Le Conseil d'Etat se penche sur le rôle de la SNCF dans la déportation

29 Novembre 2007 , Rédigé par Eric Publié dans #SOCIETE

logo-sncf.jpg FRANCE -  Le Conseil d'Etat s'est penché mercredi sur le rôle de la SNCF dans la déportation des Juifs en examinant la requête de la famille Lipietz pour que soit reconnue la responsabilité de l'entreprise ferroviaire dans l'acheminement de plusieurs de ses membres vers les camps. Alors que plusieurs centaines de dossiers sont actuellement déposés dans les tribunaux administratifs par des déportés ou leur famille, c'est la première fois que la plus haute juridiction administrative est appelée à se prononcer.

Sa décision, qui sera rendue dans plusieurs semaines, fera jurisprudence.La famille du député européen Alain Lipietz a déposé un recours contre l'annulation le 27 mars 2007, par la cour administrative d'appel de Bordeaux, de la condamnation de la SNCF dans la déportation de quatre de ses membres dont le père de M. Lipietz.

Cette condamnation avait été prononcée le 6 juin 2006 par le tribunal administratif de Toulouse qui avait condamné l'Etat et la SNCF à indemniser la famille. Mais la cour de Bordeaux avait estimé que les tribunaux administratifs étaient incompétents pour trancher cette question. Même si le Conseil d'Etat devra trancher la question de la compétence, les débats de mercredi ont aussi abordé le problème de fond.

Le 8 mai 1944, Georges Lipietz, son frère, sa mère et son beau-père étaient arrêtés à Pau par la Gestapo après avoir été dénoncés par des voisins. Conduits à Toulouse, ils ont été acheminés par train vers le camp de Drancy, en banlieue parisienne, les 11-12 mai, après un voyage de 36 heures et une seule halte. La libération du camp de Drancy, le 18 août 1944, leur a permis d'échapper in extremis au dernier convoi en partance pour les camps de la mort.

Georges Lipietz a voulu faire reconnaître la responsabilité de l'Etat et de la SNCF dans cette tragédie et depuis sa disparition, le 18 avril 2003, sa famille a pris le relais. Leur avocat, Alain Monod, a rappelé mercredi que l'Etat n'a pas fait appel de sa condamnation et "s'est incliné devant le jugement" prononcé à Toulouse, "ne niant pas implicitement sa responsabilité dans cette affaire". Il n'en va pas de même de la SNCF, qui selon Me Monod, porte une lourde responsabilité car "sans l'avoir suscitée, elle a participé à une opération de police".

L'avocat de la compagnie, Me Adrien-Pierre Odent, a demandé qu'il n'y ait "pas d'amalgame entre les conditions matérielles du transport et la décision de celui-ci". "Les contraintes dont ont été victimes les membres de la famille Lipietz n'étaient pas le fait de la SNCF mais des autorités d'occupation relayées par les autorités françaises", a estimé l'avocat de la SNCF.

Le commissaire du gouvernement, magistrat indépendant chargé de faire des recommandations au Conseil d'Etat, a abondé dans ce sens en demandant le rejet de la requête des Lipietz. Pour Emmanuelle Prada Bordenave, en effet, "la SNCF n'avait pas l'initiative de la déportation des personnes" et "c'est bien le 11 juin 1942 que s'est décidée à Berlin la déportation des Juifs de France, de Belgique et des Pays Bas" et "l'Etat français s'est compromis pour satisfaire ces demandes". "La SNCF était tenue d'exécuter ces transports à la demande de l'administration" même si elle l'a fait "sans s'interroger un instant sur les conséquences de son obéissance pour les personnes transportées", a ajouté la magistrate.
 
 
Mise en cause de la SNCF dans la déportation de leur père: Alain Lipietz, aux côtés de sa soeur Hélène, montre des documents le 27 mars 2007, lors d'une conférence de presse à Paris

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